mercredi 29 janvier 2014

"Les chinois des coulisses" à Madagascar

2010
"La presse nous a parlé récemment de ce Chinois qui travaillait à Namakia : il avait donné un coup de pied dans la marmite contenant le repas des ouvriers et l’avait renversée. Grève des ouvriers. Le chef de région décide de son expulsion pour atteinte au hasina des ouvriers. Il manquait, admettez-le, il manquait pour le moins de courtoisie. L’on me dit qu’il en était de même lors de la construction du grand hôtel d’Ivato. Mais sans réaction publique. Les Antananariviens se soumettraient-ils plus facilement que les Sakalava de Namakia ? S’il en était ainsi, on pourrait comprendre pourquoi les gens d’Antananarivo acceptent d’être commandés par ceux qui ont renversé les marmites dans lesquelles ils faisaient cuire leurs repas.

Les médias ont aussi parlé de ces Néo-Chinois qui dans l’Ouest exploitaient sans aucun permis des pierres précieuses ou semi-précieuses proches du diamant. Ils avaient importé quantité de gros matériels pour une exploitation industrielle sans que s’en préoccupe l’autorité que l’on dit de l’État. Que d’autres exploitent au bulldozer l’ilménite au nord de Tamatave sans respect de l’environnement et qu’ils l’exportent par conteneurs sans valorisation préalable.

Mais ce qui intéresse les Néo-Chinois, c’est le pétrole et le foncier. Pour le pétrole, depuis un an et demi, il y a eu beaucoup de critiques contre Total et la nouvelle Françafrique. Or ce que personne n’a proclamé, c’est que l’État malgache possédait 51% du capital de cette filiale de Total. Ce qui impliquait que l’État recevrait la moitié des bénéfices de cette société. Il n’y là rien qui fasse penser à une exploitation coloniale. L’on apprend que nos Hâtifs sont pressés de se débarrasser de ce bijou de famille. Ils seraient en train de le vendre aux néo-Chinois.

Le foncier est encore plus intéressant. Nous savons que la loi malgache interdisait autrefois de vendre de la terre aux étrangers. Ce fut la cause de tous les démêlés avec la France jusqu’à la conquête. Cette loi malgache qui n’était pas morte et qui restait une lalàna velona, fut reprise à l’époque de Ramanantsoa. La vente de foncier à des étrangers fut à nouveau interdite. En cas de décès d’un Français, les Domaines refusaient même d’enregistrer la passation de tels biens aux héritiers des défunts. Au début des années 80, lors d’une Commission mixte franco-malgache réunie à Antananarivo avec Nucci – cet inénarrable professeur de Ceg et ministre socialiste de la Coopération qui, pour une de ses maîtresses, avait acheté un hôtel particulier pour logement de fonction et qui fut au centre du scandale de Carrefour du Développement –, la partie malgache consentit à faire faire par les Domaines les transmissions aux héritiers. Cela n’alla pas plus loin que ce consentement.

Les futurs Hâtifs ont vigoureusement critiqué l’horribilissime ancien président pour son projet de louer de la terre aux Coréens. Et il ne s’agissait que de location et d’un projet qui n’était pas encore bouclé. La politique a changé, mais c’est en missouk, comme dirait le créole réunionnais, ou an-tsokosoko “en douce, en cachette”, comme dirait le malgache, que cela se fait. La législation n’a pas changé, mais l’on a hâtivement trouvé la solution. Aucun étranger n’achète de terres à Madagascar, ce sont tous des Malgaches, puisqu’on donne aux Néo-Chinois la nationalité malgache. On distribue passeports et kara-panondro comme le précédent ministre halieutique distribuait les permis de pêche. On dit que c’est l’occasion où circulent beaucoup de valises.

Il y a une banque, la BICM, la Banque Internationale Chine-Madagascar, dont il convient de rappeler rapidement l’histoire. Elle fut crée au départ avec un actionnariat en partie malgache et dirigée par un Belge jusqu’au jour où ce directeur général constata que sa banque avait un fonctionnement bizarre. Il démissionna et s’en alla. La banque fit de si mauvaises affaires que le côté chinois racheta les actions des Malgaches. C’est donc aujourd’hui une banque sino-chinoise. Dirait-on aussi sino-cynique ? Peut-être, mais sûrement pas sino-cinoche. Le monde de la banque à Antananarivo constate que cet organisme est le seul du métier à ne pas rechercher de clients dans le public. C’est en fait un paravent pour une sorte d’EDBCM, un Economic Development Board of China in Madagascar.

Son directeur, un Néo-Chinois, est un personnage aux multiples fonctions, car il est en même temps conseiller – sans doute « spécial » – auprès de l’ambassade de Madagascar à Pékin. Il est en quasi permanence au Château où il a beaucoup à faire – ou beaucoup d’affaires, je n’ai pas bien compris –, m’a-t-on dit. Comprenez que le Château, c’est là où il y avait des alouettes qu’ont mangé les crocodiles, c’est Ambohitsorohitra. Comme diplomate malgache, il a un passeport diplomatique de la République de Madagascar. C’est donc un néo-sino-malgache. Et l’on comprend que les dollars noirs des valises entrent et sortent sans problème avec la douane d’Ivato pour l’avion qui vient de Chine ou qui y va.Source :Madagascar-Tribune.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Cet espace est ouvert à tous, avec toutes les opinions et points de vue, dans le respect de l'autre par la courtoisie, ne nous opposons pas sur les personnes, mais sur les arguments.

Misaotra!